Profiter de l'Océan Arctique |
Après avoir passé une excellente nuit, malgré le fait
d’avoir été réveillé deux fois par l’alarme incendie pour rien, nous avons
recueilli les conseils de Vidar le Viking, gérant du centre, pour notre
ascension vers Nordkinn, le point le plus au Nord de l’Europe continentale. On
a tout d’abord appris qu’on devrait se mettre aux raquettes pour la plus grande
partie du chemin avant de pouvoir terminer à pied. Après ces précieux
renseignements, nous voilà parti avec notre Smart pour débuter le cœur de notre
voyage.
Sur les conseils de Vidar, nous ne sommes pas partis du
chemin traditionnel près de l’aéroport du village. En effet on aurait dû
franchir deux rivières alors qu’en partant d’un peu plus au Sud, et avec un
chemin aussi « balisé », on avait l’occasion de tout franchir en
raquettes. Rapidement, j’ai été ravi d’avoir comme compagnon de route un
habitué de la navigation. En effet même si on avait acheté une carte très
détaillée au centre et enregistré toutes les coordonnées GPS du balisage
(quelques morceaux de cailloux empilés), se repérer dans ces grands espaces
blancs ne fût guère aisé. J’ai pris la position du suiveur dans ce décor
exceptionnel où on pouvait apercevoir l’Océan Arctique émerger derrière les
sommets blancs.
La route des raquettes |
Malheureusement, la route nécessitait une sacré dose d’énergie,
trop que pour avoir le temps de s’arrêter et de prendre des photos. Le chemin
emprunté présentait une configuration assez escarpée, sans compter qu’il
fallait aussi éviter les quelques lacs, certes gelés mais sans aucune sécurité
qu’ils soient capables de supporter notre poids, présents sur les chemins.
Après une bonne quinzaine de kilomètres en raquettes, on a
atteint le point où en théorie on aurait pu retirer celles-ci. Malheureusement,
cela est resté du domaine de la théorie. En effet, le Viking nous avait
conseillé de ne pas descendre dans la plaine mais de rester sur les sommets
pour la dernière partie. Toutefois, ces sommets présentaient de nombreux
inconvénients. De la neige, puis des rochers, puis de la neige,… Cela aurait
nécessité une gymnastique incroyable de chaque fois enlever puis rechausser les
raquettes. On a donc décidé de ne pas suivre ses conseils et d’emprunter la
voie de la vallée. Cela nous paraissait une bonne idée à court terme. Deux ou
trois kilomètres plus tard, on était confronté à un nouveau choix cornélien.
Plus ou moins encore le même. Prendre le chemin conseillé par Vidar via les
montagnes, ce qui signifie devoir remonter et être balayé par le vent qui
commençait à souffler de plus en plus fort, ou alors emprunter la voie de la
vallée, qui est uniquement conseillée en temps de brume car elle longe la côte
et amène à une splendide plage parfaite pour planter sa tente. Encore une fois,
on décide de ne pas suivre les conseils du Viking à cause du vent et aussi de
la fatigue de mon compagnon de route qui se voyait mal regrimper jusqu’au
sommet.
Vue depuis le sommet de Nordkinn |
On a vite compris pourquoi la route n’était conseillée qu’en
cas de brume. Il n’y a plus aucune trace de balisage. On se retrouve livré face
aux éléments de la nature, et quand ceux-ci sont représentés par des petites
rivières, d’énormes rochers et un dénivelé très important, toute notre
attention est requise. Tant bien que mal, on parvient à la fin de la descente.
Mais cela a semblé prendre une éternité. Moi je le vis bien, mais mon compagne
de voyage commence à montrer quelques signes d’énervement et de faiblesse.
Finalement, on aperçoit la plage tant vantée par Vidar. Après une demi-heure de
marche, le chemin normal étant obstrué par trop de neige, on atteint enfin
notre objectif. Dans ma tête, c’était clair. Là, on planterait la tante,
mangerait un petit bout avant de repartir pour le sommet du Cap Nordkinn. Une
fois notre abri pour la tente montée, j’ai compris à quel point mon compagnon
de route était fatigué. Pour lui, il n’était plus question de faire un mètre de
plus.
Le dernier repère de balisage |
Il avait même pensé à téléphoner à Vidar pour venir nous
secourir en bateau. En effet, ce dernier nous avait donné son numéro de
téléphone en nous prévenant que cette possibilité existait et en nous
avertissant que seule la toute fin du parcours était couverte par le réseau
téléphonique. Pour moi, ce fût comme une claque dans la figure. Je ressentais
certes de la fatigue, mais je concevais ce voyage comme une tentative de voir
où se trouvait mes limites et surtout, plus important encore, de les dépasser.
Comme le dit l’adage latin « aut
vincere, aut mori ». Après une nuit de sommeil, l’énergie n’est pas
réapparue dans son corps. Pire même, son rythme de marche est devenu proche de
celui d’un escargot qui plus est effrayé par tant de pierres.
Après un peu plus
d’un kilomètre, on a dû se faire une raison. Impossible de continuer pour lui.
On décide de planter la tente de nouveau et d’appeler Vidar. On s’arrange pour
qu’il vienne nous récupérer le lendemain aux alentours de 14h, histoire de
pouvoir atteindre le sommet de Nordkinn dans la matinée et de revenir. Pour le
second jour de l’ascension, on a uniquement profité du magnifique paysage au
bord de l’Océan Arctique inondé sous un soleil radieux. Après une bonne nuit de sommeil, il était temps de partir à
l’assaut final. Tant bien que mal, on parvient jusqu’au dernier signe du
balisage. Et là, on comprend pourquoi on a tant souffert. On se retrouve au
bord d’une falaise qui marque la fin physique du contient européen. On se dit
que là-après, il n’y a plus rien si ce n’est quelques îles. On a atteint un
point de non-retour, la fin de notre chemin. On profite également du moment
pour admirer la côte qui offre une vue à couper le souffle avec ce soleil qui
se reflète à la fois sur l’Océan ainsi que sur les dernières traces de neige
présentes sur les reliefs.
Voilà le bateau à notre rescousse |
Le chemin du retour jusque notre campement se fait en silence.
Nous attendons l’arrivée du bateau de Vidar. Nous le voyons au loin mais
impossible pour lui de nous atteindre. Il doit venir nous chercher en radeau de
sauvetage pour monter dans le vaisseau principal. Là, il nous raconte son
parcours, son expérience, le passé de Nordkinn, l’importance de la pêche pour
la région… Il nous explique, entre autre, que dans les années 30 le Cap
Nordkinn accueillait un village. Mais après avoir été balayé et détruit par une
tempête, les habitants ont préférer se tourner vers Mehamn. Puis ensuite se
déroule un épisode qui m’a marqué et qui caractérise une réalité propre au « Nord
de l’Europe ». La même scène aurait pu se dérouler à Rovaniemi, tant la
confiance de l’autre fait partie des meubles. On doit payer notre petite
croisière, malheureusement nos portefeuilles sont restés dans la voiture au
début du chemin, à une dizaine de kilomètres de l’auberge. Le Viking nous donne
tout naturellement les clés de son 4x4 Land Rover en nous disant qu’on peut
aller rechercher notre Smart et revenir pour payer. En résumé, il donne les
clés de sa voiture à deux inconnus dont il n’a aucun moyen de les retrouver,
qui en plus lui doivent de l’argent et en trouvant ce fait le plus normal du
monde. Je mets ma main à couper qu’une telle scène ne se produirait jamais en Belgique.
Après avoir rempli les formalités ainsi qu’avoir pris une
petite douche à l’auberge, il est temps de changer les plans et de se lancer
vers une direction qu’on avait dit ne jamais vouloir rallier : le Cap
Nord.
Pour connaitre la suite, il faudra revenir sur ce blog dans
quelques jours.
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