jeudi 24 mai 2012

Nordkinn, un goût de trop peu


Profiter de l'Océan Arctique
Après avoir passé une excellente nuit, malgré le fait d’avoir été réveillé deux fois par l’alarme incendie pour rien, nous avons recueilli les conseils de Vidar le Viking, gérant du centre, pour notre ascension vers Nordkinn, le point le plus au Nord de l’Europe continentale. On a tout d’abord appris qu’on devrait se mettre aux raquettes pour la plus grande partie du chemin avant de pouvoir terminer à pied. Après ces précieux renseignements, nous voilà parti avec notre Smart pour débuter le cœur de notre voyage.


Sur les conseils de Vidar, nous ne sommes pas partis du chemin traditionnel près de l’aéroport du village. En effet on aurait dû franchir deux rivières alors qu’en partant d’un peu plus au Sud, et avec un chemin aussi « balisé », on avait l’occasion de tout franchir en raquettes. Rapidement, j’ai été ravi d’avoir comme compagnon de route un habitué de la navigation. En effet même si on avait acheté une carte très détaillée au centre et enregistré toutes les coordonnées GPS du balisage (quelques morceaux de cailloux empilés), se repérer dans ces grands espaces blancs ne fût guère aisé. J’ai pris la position du suiveur dans ce décor exceptionnel où on pouvait apercevoir l’Océan Arctique émerger derrière les sommets blancs. 

La route des raquettes
Malheureusement, la route nécessitait une sacré dose d’énergie, trop que pour avoir le temps de s’arrêter et de prendre des photos. Le chemin emprunté présentait une configuration assez escarpée, sans compter qu’il fallait aussi éviter les quelques lacs, certes gelés mais sans aucune sécurité qu’ils soient capables de supporter notre poids, présents sur les chemins.

Après une bonne quinzaine de kilomètres en raquettes, on a atteint le point où en théorie on aurait pu retirer celles-ci. Malheureusement, cela est resté du domaine de la théorie. En effet, le Viking nous avait conseillé de ne pas descendre dans la plaine mais de rester sur les sommets pour la dernière partie. Toutefois, ces sommets présentaient de nombreux inconvénients. De la neige, puis des rochers, puis de la neige,… Cela aurait nécessité une gymnastique incroyable de chaque fois enlever puis rechausser les raquettes. On a donc décidé de ne pas suivre ses conseils et d’emprunter la voie de la vallée. Cela nous paraissait une bonne idée à court terme. Deux ou trois kilomètres plus tard, on était confronté à un nouveau choix cornélien. Plus ou moins encore le même. Prendre le chemin conseillé par Vidar via les montagnes, ce qui signifie devoir remonter et être balayé par le vent qui commençait à souffler de plus en plus fort, ou alors emprunter la voie de la vallée, qui est uniquement conseillée en temps de brume car elle longe la côte et amène à une splendide plage parfaite pour planter sa tente. Encore une fois, on décide de ne pas suivre les conseils du Viking à cause du vent et aussi de la fatigue de mon compagnon de route qui se voyait mal regrimper jusqu’au sommet.

Vue depuis le sommet de Nordkinn
On a vite compris pourquoi la route n’était conseillée qu’en cas de brume. Il n’y a plus aucune trace de balisage. On se retrouve livré face aux éléments de la nature, et quand ceux-ci sont représentés par des petites rivières, d’énormes rochers et un dénivelé très important, toute notre attention est requise. Tant bien que mal, on parvient à la fin de la descente. Mais cela a semblé prendre une éternité. Moi je le vis bien, mais mon compagne de voyage commence à montrer quelques signes d’énervement et de faiblesse. Finalement, on aperçoit la plage tant vantée par Vidar. Après une demi-heure de marche, le chemin normal étant obstrué par trop de neige, on atteint enfin notre objectif. Dans ma tête, c’était clair. Là, on planterait la tante, mangerait un petit bout avant de repartir pour le sommet du Cap Nordkinn. Une fois notre abri pour la tente montée, j’ai compris à quel point mon compagnon de route était fatigué. Pour lui, il n’était plus question de faire un mètre de plus.

Le dernier repère de balisage
Il avait même pensé à téléphoner à Vidar pour venir nous secourir en bateau. En effet, ce dernier nous avait donné son numéro de téléphone en nous prévenant que cette possibilité existait et en nous avertissant que seule la toute fin du parcours était couverte par le réseau téléphonique. Pour moi, ce fût comme une claque dans la figure. Je ressentais certes de la fatigue, mais je concevais ce voyage comme une tentative de voir où se trouvait mes limites et surtout, plus important encore, de les dépasser. Comme le dit l’adage latin « aut vincere, aut mori ». Après une nuit de sommeil, l’énergie n’est pas réapparue dans son corps. Pire même, son rythme de marche est devenu proche de celui d’un escargot qui plus est effrayé par tant de pierres. 

Après un peu plus d’un kilomètre, on a dû se faire une raison. Impossible de continuer pour lui. On décide de planter la tente de nouveau et d’appeler Vidar. On s’arrange pour qu’il vienne nous récupérer le lendemain aux alentours de 14h, histoire de pouvoir atteindre le sommet de Nordkinn dans la matinée et de revenir. Pour le second jour de l’ascension, on a uniquement profité du magnifique paysage au bord de l’Océan Arctique inondé sous un soleil radieux. Après une bonne nuit de sommeil, il était temps de partir à l’assaut final. Tant bien que mal, on parvient jusqu’au dernier signe du balisage. Et là, on comprend pourquoi on a tant souffert. On se retrouve au bord d’une falaise qui marque la fin physique du contient européen. On se dit que là-après, il n’y a plus rien si ce n’est quelques îles. On a atteint un point de non-retour, la fin de notre chemin. On profite également du moment pour admirer la côte qui offre une vue à couper le souffle avec ce soleil qui se reflète à la fois sur l’Océan ainsi que sur les dernières traces de neige présentes sur les reliefs. 

Voilà le bateau à notre rescousse
Le chemin du retour jusque notre campement se fait en silence. Nous attendons l’arrivée du bateau de Vidar. Nous le voyons au loin mais impossible pour lui de nous atteindre. Il doit venir nous chercher en radeau de sauvetage pour monter dans le vaisseau principal. Là, il nous raconte son parcours, son expérience, le passé de Nordkinn, l’importance de la pêche pour la région… Il nous explique, entre autre, que dans les années 30 le Cap Nordkinn accueillait un village. Mais après avoir été balayé et détruit par une tempête, les habitants ont préférer se tourner vers Mehamn. Puis ensuite se déroule un épisode qui m’a marqué et qui caractérise une réalité propre au « Nord de l’Europe ». La même scène aurait pu se dérouler à Rovaniemi, tant la confiance de l’autre fait partie des meubles. On doit payer notre petite croisière, malheureusement nos portefeuilles sont restés dans la voiture au début du chemin, à une dizaine de kilomètres de l’auberge. Le Viking nous donne tout naturellement les clés de son 4x4 Land Rover en nous disant qu’on peut aller rechercher notre Smart et revenir pour payer. En résumé, il donne les clés de sa voiture à deux inconnus dont il n’a aucun moyen de les retrouver, qui en plus lui doivent de l’argent et en trouvant ce fait le plus normal du monde. Je mets ma main à couper qu’une telle scène ne se produirait jamais en Belgique. 

Après avoir rempli les formalités ainsi qu’avoir pris une petite douche à l’auberge, il est temps de changer les plans et de se lancer vers une direction qu’on avait dit ne jamais vouloir rallier : le Cap Nord.

Pour connaitre la suite, il faudra revenir sur ce blog dans quelques jours.

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